Un homme, tout autant qu’une femme, peut ressentir des émotions et vivre de la détresse.
Malheureusement, la société parle tellement de la souffrance des femmes et des enfants, qu’on en arrive presque à oublier celle des hommes qui les entourent.
Il ne s’agit pas pour moi de comparer le niveau de souffrance (ce qui serait sans objet), mais plutôt de porter le regard sur un aspect très souvent oublié.
Certes, il existe des hommes maltraitants et incapables d’aimer et de respecter leurs conjointes, mais d’un autre côté, il existe aussi des hommes biens, parfois malmenés par des femmes sans scrupules, ou encore frappés par des circonstances malheureuses de la vie dont ils se remettent difficilement.
Les hommes n’ont pas le droit de ressentir la douleur !
De mon constat, les hommes expriment différemment leur détresse et font rarement appel à l’aide professionnelle. Que ce soit par ego, par éducation ou tout simplement par adhésion à une norme culturelle de comportement.
Pendant l’enfance, nous pouvons déjà observer une différence dans l’enculturation des petites filles et des petits garçons. Par exemple, les parents réagissent différemment face aux larmes d’une petite fille par rapport à ceux d’un petit garçon:
- « Arrêtes de pleurer tu n’es pas une fille »
- « Un homme ne pleure pas »
- « Tu es trop faible, toujours à pleurer comme une fille «
- « Un homme doit être fort, essuies vite tes larmes »
….Un peu comme si un homme n’avait pas le droit d’exprimer ses émotions.
On comprend donc que très tôt, les hommes vont apprendre à contenir leurs émotions et à masquer leurs déceptions et leurs souffrances. Par souci de conformité sociale et plus tard, par virilité.
Souffrent- ils donc moins pour autant ?
Voici quelques situations pouvant générer de la détresse ou de la souffrance émotionnelle chez un homme, même s’il ne le montre pas et n’en parle pas :
- Les abus dans la relation : violence émotionnelle, exploitation sentimentale ou financière
- Les trahisons: lui octroyer volontairement la paternité d’un enfant qui n’est pas le sien sans qu’il ne le sache. Beaucoup l’apprennent des années plus tard ou au détour d’une situation imprévue
- Le mépriser et l’insulter constamment (communication violente): « Tu ne vaux rien », « prends exemple sur X », » tu n’arriveras jamais à rien », « Tu es un imbécile et un con »,…
- Lui refuser tout soutien émotionnel quand il traverse des situations difficiles et le menacer d’abandon s’il ne règle pas vite la situation
- Ne jamais s’intéresser à ce qu’il ressent, mais uniquement chercher à préserver ses propres intérêts quand il se trouve dans des problèmes
- Le rejeter physiquement et émotionnellement
- Le contredire constamment en ce qui concerne l’éducation des enfants : rejeter ce qui vient de lui et vouloir imposer sa seule volonté. Parfois même saper son autorité auprès des enfants
- Rompre la relation du jour au lendemain pour quelqu’un d’autre
- Demander le divorce
- Perdre une personne qu’ils aiment (parents, frères et sœurs, femme, enfants, amis). Le deuil est parfois difficile vu qu’ils n’extériorisent pas facilement leurs émotions.
Un homme est aussi humain !
Dans beaucoup de cultures, on attend de l’homme qu’il soit réservé, discret et impassible face à des événements douloureux. Quoi qu’il arrive, il doit garder la maîtrise de soi et ne pas se laisser submerger par les émotions.
Comment donc être surpris quand devenus adultes, ils ne disent mot, se renferment sur eux ou deviennent ultrasensibles et colériques ?
Un homme blessé dans son amour propre ne va pas se mettre à pleurer et à appeler tous ses potes pour leur raconter ce qui lui est arrivé.
Un homme blessé dans son orgueil va probablement se mettre en colère. Il deviendra irritable et extrêmement vulnérable.
Les statistiques sur les troubles de santé mentale démontrent que les hommes se suicident plus que les femmes, tandis que les femmes sont plus diagnostiquées de dépression que les hommes.
Pourquoi ?
Les hommes consultent moins, et donc leur dépression est moins diagnostiquée et traitée.
Ceux qui consultent sont évalués par des critères classiques de la dépression. Critères qui correspondent davantage aux symptômes qu’on retrouve chez les femmes que chez les hommes. Résultat des courses : on passe souvent à côté du bon diagnostic.
La plupart des études sont donc basées sur un échantillon majoritairement féminin(Ceux qui consultent)
Les hommes souffrent tout autant que les femmes. Mais seulement, ils ne l’expriment pas de la même façon.
Après une rupture amoureuse par exemple, pendant qu’une femme ira pleurer et vider des bols entiers de glace chez sa copine, ou encore passera des heures au téléphone avec cette dernière, un homme, lui, aura un comportement tout à fait différent :
- Sautes d’humeur imprévisibles
- Comportement agressif et violent
- Irritabilité
- Isolement plus ou moins long
- Sport intensif
- Journées de travail interminables
- Consommation accrue d’alcool, de drogues, de cigarettes, etc.
- Succession de conquêtes féminines pour réparer son ego
- Troubles alimentaires (gain de poids)
- Pleurs ( en cachette)
Il demandera rarement de l’aide, même s’il sent qu’il ne s’en sort pas. Question de virilité. Il ne veut absolument pas avoir l’air faible et refusera souvent d’admettre qu’il fait une dépression.
Et les hommes qui consultent ?
De mon expérience et sur base de mes lectures, les hommes(Blancs ou Noirs) viennent également consulter les psychologues. Toutefois, ils consultent moins que les femmes. Ce qui pourrait s’expliquer par leur difficulté à demander de l’aide, par peur de perdre leur « virilité ».
Si je prends l’exemple des hommes Noirs, ils atterrissent souvent chez moi par référence de leur médecin ou d’un autre professionnel de la santé ayant identifié chez eux des signes de détresse.
L’entrée en matière est souvent la même, beaucoup de méfiance au départ à cause du stéréotype sur les psychologues et les troubles de santé mentale. Et encore plus vu que je suis une femme (pas facile pour eux de se mettre en position de demande et surtout d’aborder certains sujets).
Heureusement, la similitude culturelle et la communauté de parcours (immigration) facilitent l’alliance thérapeutique ainsi que la confiance dans l’intervention. Ingrédients nécessaires à la mise en oeuvre d’un plan de traitement négocié et validé.
La thérapie comme oasis
Les hommes trouvent dans la thérapie un espace confidentiel où laisser libre cours à leurs souffrances et à leurs peurs. Ne pouvant parfois pas en parler avec leurs familles, conjointes ou amis.
S’effondrer sans peur d’être jugé, dire qu’on a peur, qu’on n’y croit plus et qu’on n’a plus suffisamment confiance en soi. Avouer sa souffrance et se laisser soutenir et conseiller. Et parfois aussi, s’autoriser enfin à pleurer, dans l’espace sécuritaire et confidentiel qu’offre le professionnel.
Il y en a qui pleurent encore un parent parti trop tôt, tandis que d’autres souffrent de dépendance affective au point de se laisser constamment malmener dans leur rapport aux autres. Voulant plaire à tout prix, ils finissent par devenir prisonniers et victimes d’un mode relationnel toxique qu’ils contribuent à créer et à entretenir.
Sans oublier ceux qui ne se remettent toujours pas d’un divorce ou d’un échec relationnel avec une femme qu’ils ont beaucoup aimé.
Les situations problématiques sont bien évidemment plus diversifiées que ça. Toutefois, je ne soulignerai que cet aspect pour rester dans le cadre de ma thématique.
Pour conclure cette « ode » aux souffrances masculines,
Je dirais simplement que, tout comme les femmes et les enfants, les hommes souffrent également, mais beaucoup plus en silence. Derrière leur colère et leur irritabilité, se cache bien souvent une blessure non guérie, une détresse non encore verbalisée, ou au contraire, mal exprimée. Apprendre à nommer leurs émotions serait extrêmement bénéfique pour eux.
Mais pour ce faire, un travail de déconstruction est absolument indispensable à ce sujet. Qui n’est pas du tout évident quand on a construit son identité d’homme ainsi que ses repères de genre, sur la base d’une enculturation condamnant les épanchements émotionnels.
La remise en question peut faire peur et constituer un obstacle non négligeable à la démarche de changement. Beaucoup se demanderont : »suis-je encore un homme si je me laisse aller? que pensera t-on de moi si je n’ai aucune maîtrise ? Si je vais voir un Psy ? »
À chacun la réponse qui lui convient. Dans la limite de ce qu’il peut supporter.
Sachez juste qu’il y’en a qui acceptent de consulter et de se faire aider. Même s’ils ne le crient pas sous tous les toits. Et bien entendu, gardons à l’esprit les variations culturelles, familiales, et individuelles dans le vécu et la conception des choses. Dans toute chose, il existe des exceptions.
Merci beaucoup pour cet article. Je m’éveille à la santé mentale depuis 2019. J’ai personnellement vécu une série de circonstances malheureuses qui m’ont rendu vulnérables. J’ai suivie pendant ce temps des programmes d’accompagnement auprès des organismes et fondations à ma portée dans mon pays Le Cameroun. Je continue mon voyage vers le mieux être. Je me suis inscrite en faculté de sciences humaines pour y étudier les bases de la psychologie qui je crois sera utile pour moi et pour mon entourage.
A la suite de cet article je le pose une question. Malgré le fait que l’on constate facilement les dégâts causés par cette culture de refoulement émotionnel chez les hommes des l’enfance, comment expliquer le fait que le mentalités résistent à évoluer vers des changements ?
Merci beaucoup pour ce contenu édifiant. Beaucoup de stéréotypes qui nous freinent sur le plan émotionnel et par ricochet qui freinent nos vies.